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Jacinthe Dancot, Prix Philippe Maystadt 2023

Coordinatrice de la Section Soins infirmiers à la Haute Ecole Robert Schuman à Libramont, Jacinthe Dancot vient de décrocher le Prix Philippe Maystadt pour sa thèse intitulée « Contribution à l’exploration de l’estime de soi des étudiants infirmiers et de son lien avec le développement de la compétence clinique ». L’occasion de la féliciter pour cette distinction et d’en savoir plus sur ses conclusions. Interview.

Pouvez-vous vous présenter brièvement ?

J’ai d’abord été diplômée d’une licence en sciences zoologiques à l’UCL, puis j’ai repris un graduat en soins infirmiers à l’ISEI (actuellement HE Vinci). J’ai travaillé comme infirmière chez Vivalia, à Libramont, puis j’ai repris un DES en sciences de la santé publique à l’UCL. Je suis alors devenue infirmière en chef. Après quelques années, je suis passée à l’enseignement à la Haute Ecole Robert Schuman à Libramont, dont je suis devenue la coordinatrice de la Section Soins infirmiers. Dans le cadre de notre collaboration avec l’ULiège pour le Master en Sciences de la Santé publique, puis pour le Master en Sciences infirmières, je suis également devenue Maître de conférences à l’ULiège.

Cette porte ouverte par l’ULiège a été l’occasion de rencontrer de merveilleuses personnes avec lesquelles j’ai pu discuter puis concrétiser ce projet de doctorat.

Quel a été le point de départ de votre thèse ?

Cette thèse part du double constat d’une souffrance des étudiants infirmiers et de leur difficulté à développer leurs compétences. Nous nous sommes demandé si ces deux facteurs pouvaient être liés et nous nous sommes intéressés à l’estime de soi. Celle-ci est souvent décrite comme basse chez les étudiants infirmiers, ou même comme en baisse durant leur formation, et elle pourrait expliquer un état affectif défavorable à l’apprentissage.

L’estime de soi des étudiants infirmiers se distingue-t-elle des autres formations ? Et si oui, comment l’expliquer ?

Nous pouvons poser quelques hypothèses sur base de nos résultats et de la littérature. La population des étudiants infirmiers semble en effet être plus « vulnérable » (même si je ne veux pas faire passer ces étudiants pour fragiles, ce qu’ils ne sont pas), en termes d’estime de soi, que d’autres populations étudiantes. C’est une population à prédominance féminine, les soins infirmiers ne sont pas toujours un premier choix, les expériences vécues, notamment en stage, peuvent être très difficiles et l’évaluation est permanente. La charge de travail est aussi très élevée, dans la formation et en stage, et la profession est peu valorisée socialement. Dans la cohorte que nous avons suivie, l’estime de soi était seulement modérée au début des études, et elle était (en moyenne) quasiment stable au cours de la formation, alors que nos participants étaient dans un parcours de réussite. Dans d’autres formations, il a été montré que la réussite était associée à une élévation de l’estime de soi.

Quel rôle les formateurs peuvent-ils jouer ?

Nous recommandons trois cibles :

  • La qualité des expériences vécues par les étudiants, que ce soit à l’école ou en stage. En effet, nous avons montré que certaines expériences sont plus favorables ou, au contraire, défavorables à l’estime de soi.
  • L’accompagnement de ces expériences, car les étudiants n’arrivent pas « vierges » de toute expérience antérieure. Leur interprétation de ce qui se joue dépend entre autres de leur estime de soi, et peut les amener à adopter des comportements d’autoprotection peu favorables à leur apprentissage. Finalement, ce sont les étudiants qui ont le plus besoin de cet accompagnement qui, par leur comportement, nous découragent le plus de les accompagner… Cela nécessite de poursuivre, en tant que formateur, le développement de nos compétences pédagogiques.
  • Le développement, chez les étudiants, d’une capacité à gérer ces expériences par eux-mêmes d’une manière favorable à leur estime de soi et à leur apprentissage. Cela passe par la gestion des émotions, la connaissance de soi, la réflexivité…

Nous voudrions insister sur le fait que les formateurs, qu’ils soient enseignants ou infirmiers, fonctionnent dans un contexte complexe et qu’ils doivent eux-mêmes être soutenus et valorisés pour être en mesure de suivre pleinement ces recommandations. Il y a donc aussi des éléments qui dépendent de leur institution, du contexte sociétal et des décisions politiques. De la gratitude, de la considération et des mesures concrètes de reconnaissance seraient vitales pour les infirmiers et pour les étudiants qui s’apprêtent à intégrer cette profession.

Quelles retombées attendez-vous de ce Prix ?

J’ai entrepris cette thèse parce que j’étais interpelée par la situation des étudiants infirmiers et parce que je désirais tenter de contribuer, modestement, à améliorer les choses. Pour moi, ce Prix est surtout l’occasion de faire connaître ces travaux du public et des décideurs politiques, afin que les recommandations formulées aient une chance d’être prises en considération. Dans un contexte de pénurie infirmière et de grands besoins présents, et encore plus à venir, du système des soins de santé, il importe de joindre nos forces pour former des infirmiers compétents et épanouis, et je crois que le fait de s’intéresser à leur estime de soi peut y contribuer.

En outre, ce Prix est l’occasion de renouveler publiquement ma très grande gratitude aux étudiants et étudiantes qui y ont participé ; à mes directeurs de thèse, les Pr Michèle Guillaume et Benoît Pétré, pour leur compétence, leur rigueur, leur humanité et leur dévouement ; à l’Université de Liège pour son ouverture d’esprit dans l’accueil d’une doctorante plus âgée, un peu hors du système, et pour une thèse plus longue ; à la Haute Ecole Robert Schuman pour son soutien… et à tant d’autres personnes qui se reconnaîtront, pour leur aide ou leur soutien. Cette thèse est le fruit d’un effort collectif, et le fait que je me sente extrêmement honorée d’être la lauréate de ce Prix prestigieux ne saurait me le faire oublier.

En savoir plus sur la Haute Ecole Robert Schuman ? Visitez le site internet de l’établissement. 

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